Le CNDH publie son avis sur l’amendement des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a publié un avis sur le projet de loi 86.14 modifiant et complétant les dispositions du code pénal et de la procédure pénale relatives à la lutte contre le terrorisme, suite à la demande d’avis formulée le 16 décembre 2014 par le président de la Chambre des représentants et reçue le 16 décembre 2014.
L’avis du Conseil a été élaboré sur la base des textes de référence nationaux et internationaux en matière des droits de l’Homme, des conventions internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, et des observations finales et les recommandations adressées au Maroc par les organes des traités, les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales, ou dans le cadre de l’examen périodique universel. L’avis porte sur plusieurs aspects du projet de loi dont la définition des organisations terroristes, des crimes terroristes et de l’entraînement pour le terrorisme, le champ d’application du cadre juridique relatif à la lutte contre le terrorisme, le recrutement et l’utilisation des enfants par les structures terroristes et l’incitation au terrorisme.
Ainsi, le CNDH propose dans son avis d’introduire dans ce projet de loi une disposition qui définit clairement l’objet des structures terroristes dans les limites données au point (b) des caractéristiques ‘des crimes terroristes’ données par l’ancien Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste , M. Martin Scheinin, qui précise que les infractions terroristes ont pour objet de «semer la terreur, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire. »
Dans le même sens, et afin d’éviter toute limitation non nécessaire au droit de circuler librement garanti par la constitution et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le CNDH propose d’introduire une disposition qui définit l’entraînement pour le terrorisme, comme étant le fait « de donner des instructions pour la fabrication ou l’utilisation d’explosifs, d’armes à feu ou d’autres armes ou substances nocives ou dangereuses, ou pour d’autres méthodes et techniques spécifiques en vue de commettre une infraction terroriste ou de contribuer à sa commission, sachant que la formation dispensée a pour but de servir à la réalisation d’un tel objectif. »
Et pour rendre la législation antiterroriste uniquement applicable à la lutte contre le terrorisme, le CNDH propose au législateur d’amender le premier paragraphe de l’article 218-1 du Code pénal en vue de le rendre conforme avec la définition de l’objet des infractions terroristes donnée par l’ancien Rapporteur spécial.
Par ailleurs, le CNDH recommande d’introduire dans ce projet de loi une disposition qui érige le recrutement et l’utilisation des enfants par les structures terroristes en circonstance aggravante.
Préoccupé par l’élargissement de la portée du crime d’apologie du terrorisme, en y ajoutant d’autres synonymes (propagande, promotion) qui réduisent la clarté de la définition de cette infraction, le CNDH recommande de remplacer le terme apologie par le terme plus précis de provocation publique à commettre une infraction terroriste. Dans ce cadre, le Conseil propose de s’inspirer des dispositions de l’article 5 de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme qui définit la « provocation publique à commettre une infraction terroriste » comme étant : « la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d’un message, avec l’intention d’inciter à la commission d’une infraction terroriste, lorsqu’un tel comportement, qu’il préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, crée un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises ».
Dans le même cadre, le CNDH propose de remplacer les termes « apologie », « propagande » et « promotion » prévus au deuxième paragraphe de l’article 218-2 par une disposition qui criminalise l’utilisation des moyens prévus au premier paragraphe pour inciter publiquement à rejoindre les groupes terroristes.
Le CNDH propose également de remplacer l’expression « persuade autrui » par deux expressions plus claires sur le plan normatif : l’incitation et la provocation ainsi que le détournement pour le cas des mineurs.
Le CNDH tient à souligner en dernier lieu que toute démarche d’élaboration d’une législation anti-terroriste protectrice des droits de l’Homme et des libertés fondamentales doit prendre en considération quelques caractéristiques approuvées par les nations unies dont la nécessité pour les Etats de
« Faire en sorte que toute mesure qu’ils prennent pour combattre le terrorisme respecte les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, en particulier le droit international des droits de l’homme le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire » (Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies N° 60/158). Les Etats sont également tenus de « désapprouver toute forme de privation de liberté qui soustrait la personne détenue à la protection de la loi » et de « défendre et de protéger la dignité et les libertés fondamentales des individus, ainsi que les pratiques démocratiques et l’état de droit dans la lutte antiterroriste » (Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies N° 61/171).
Concernant la législation nationale antiterroriste, le CNDH rappelle le sixième point de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies N° 68/178 adoptée le 18 décembre 2013 qui exhorte les Etats à « Veiller à ce que les lois nationales qui érigent en infractions les actes de terrorisme soient accessibles, formulées avec précision, non discriminatoires, non rétroactives et conformes au droit international, y compris le droit des droits de l’Homme. »
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