M. Essabbar appelle à la mise en place d’une politique punitive respectueuse des droits de l'homme basée sur la réforme et l'intégration
Le Secrétaire Général du Conseil national des droits de l’Homme, M. Mohamed Essabbar a appelé à la mise en place d’une politique punitive basée sur la réforme et l’intégration » qui prône « l’humanisation de la punition ».Dans une allocution prononcée lors de la conférence sur « les prisons au Maroc : réalités et perspectives » organisée le vendredi 26 août à Rabat par l’observatoire des prisons, avec le soutien de la Commission de l’Union européenne, M. Essabbar a indiqué que « le fait de priver un détenu de sa liberté ne signifie nullement qu’il doit être atteint dans sa dignité ou priver des droits humains reconnus à toute personne ». Il a mis l’accent, par la même occasion, sur la nécessité de dépasser « cette vision qui fait des détenus une catégorie qui constitue un danger pour la société », tout en priorisant le volet de l’intégration et de la réforme.
Evoquant les derniers incidents qui ont marqué certains établissements pénitenciers, M. Essabbar a souligné la nécessité de l’application de la loi contre tout mouvement de perturbation au sein de ces établissements, qu’ils soient commis par les détenus ou par les fonctionnaires, appelant par là même, d’éviter les punitions collectives. Il a, à ce propos invité les organisations des droits de l’Homme à être précis et objectifs, se baser sur des informations dans les événements qui surviennent dans les prisons et prendre du recul vis-à-vis des allégations formulées de par et d’autre jusqu’à ce que les enquêtes ouvertes établissent la vérité pour mettre fin à toute injustice.
D’un autre côté, M. Essabbar s’est arrêté sur les dispositions de la loi 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitenciers promulguée en 1999. Cette loi, qui été élaborée suite à une recommandation du Conseil consultatif des droits de l’Homme (CNDH actuellement), constitue, selon M. Essabbar, ‘un tournant qualitatif’ en matière de mise en œuvre des droits des détenus.
Ce document renferme un certain nombre de garantis sous forme de droits dont la non discrimination entre les détenus, le respect de la dignité humaine, le droit aux doléances, la contestation des décisions disciplinaires, le droit à un local garantissant la santé et la sécurité, le droit aux programmes éducatifs et le droit à la promenade.
Ladite loi qui garantit le droit à l’exercice du culte et le droit aux permissions exceptionnelles de sortie, stipule également la création de centres réservés aux délinquants et le droit à la libération conditionnelle.
Cependant, poursuit M. Essabbar, la pratique a levé le voile sur un certain nombre de dysfonctionnement notamment :
- Une faible proportion de bénéficiaires des libérations exceptionnelles
- Une diminution de l’espace minimal réservé à chaque détenu en raison du surpeuplement
- L’augmentation du nombre de récidive
- La lenteur dans le traitement des contestations des décisions administratives
Par ailleurs, le Secrétaire général a mis en exergue le rapport publié par le Conseil sur la situation des droits de l’Homme en 2004 qui a émis plusieurs recommandations dont notamment :
- Confier au juge d’instruction le droit d’émettre son opinion concernant les propositions de libération conditionnelle et les litiges concernant les mesures disciplinaires
- Réglementer l’intimité conjugale
- Placer les jeunes délinquants dans les centres de réforme et de redressement
- Permettre aux détenus de s’ouvrir sur son environnement extérieur
- Accorder une attention particulière aux personnes âgées et celles en situation de handicap
- Réduire le délai de réhabilitation
- Adopter le système des peines alternatives
- Adjoindre un médecin et un membre du Conseil national des droits de l’Homme à la commission de grâce
- Créer des occasions supplémentaires pour accorder des grâces collectives et en faire bénéficier de nouvelles catégories dont les personnes âgées et les malades mentaux.
Plusieurs interventions étaient inscrites au programme de cette conférence ayant permis de d’aborder le secteur des prisons de plusieurs angles, principalement « la prison, le modèle et les critères », « les garanties juridiques et administratives visant à protéger les droits des détenus(es) au Maroc », « la délégation de l’administration pénitentiaire : bilan et perspectives », « le contrôle judiciaire sur l’exécution des peines privatives de liberté », « la corruption et l’abus de pouvoir dans les prisons marocaines » et « le rôle du mouvement des droits de l’Homme en matière de protection des droits des détenus ».