Le dialogue euro-arabe sur les droits de l’Homme : appel aux Etats d’adopter une politique ferme concernant les violations flagrantes des droits de l’Homme
Les participants à la sixième session du dialogue euro-arabe des institutions nationales des droits de l’Homme organisé du 11 au 13 mai à Berlin, sur le thème « la torture et l’Etat de droit » ont affirmé que les Etats sont tenus de condamner officiellement la torture et d’adopter une politique publique rigoureuse contre les violations graves des droits de l’Homme.Lors de cette session, les participants étaient unanimes à considérer que la torture est l’une des plus abominables violations des droits de l’Homme et une violation flagrante de l’Etat de droit, de la dignité humaine et du droit à l’intégrité physique. Ils ont souligné également que la torture est une pratique qui prolifère dans plusieurs pays, y compris les pays développés notamment dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme, et ce, en dépit de l’adoption par la communauté internationale des conventions et pactes internationaux sur la lutte contre ce phénomène et sur la réduction de ses effets physiques et psychologiques.
Intervenant à cette occasion, M. Essabbar, Secrétaire général du Conseil, qui a représenté le Conseil national des droits de l’Homme à coté de M. Mostapha Raissouni, Conseiller auprès du Président, et M. Khalid Ramli, cadre au Conseil, a indiqué que les pays doivent développer leurs pratiques Conventionnelles, ratifier les pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme en matière de torture et respecter les normes élémentaires du traitement des détenus. Il a par ailleurs considéré que « les INDH ne peuvent jouer un rôle central dans la lutte contre la torture que si elles s’érigent en force de proposition ».
M. Essabbar, Secrétaire, qui a présidé le premier panel de cette rencontre , a indiqué que le Maroc a connu une nouvelle dynamique dans le domaine des droits de l’Homme qui s’est principalement manifestée dans le passage du Conseil consultatif des droits de l’Homme au Conseil National des droits de l’Homme en vertu d’un nouveau dahir qui a renforcé l’indépendance du Conseil et élargi ses prérogatives en matière de protection des droits de l’homme, et ce, à travers l’intervention par anticipation pour prévenir les cas de violation des droits de l’Homme, en particulier celles relatives à la torture.
M. Essabbar a précisé par ailleurs que le dialogue euro-arabe des institutions nationales des droits de l’Homme doit prendre une nouvelle dimension, notamment à la lumière des derniers développements dans les pays arabes et des mouvements de protestation qu’ils connaissent et qui exigent des réformes politiques et économiques et en matière des droits de l'Homme, et au regard également de la recrudescence d’orientations extrémistes au sein de certains partis d'extrême-droite en Europe.
De son coté, M. Mostapha Raissouni s’est penché sur la question de la torture dans la législation et les pratiques nationales, rappelant au passage la réforme du Code de la procédure pénale, l'expérience de l'Instance Equité et Réconciliation et ses recommandations visant l’interdiction de la torture et la lutte contre l'impunité, outre l’élaboration par le Conseil d’un rapport sur l’état des prisons du Maroc au titre de l’année 2004.
Il a précisé dans ce cadre que le droit marocain incrimine la torture et la considère comme un délit, que les défis qui se posent dans ce domaine sont communs à tous les pays, y compris les pays développés, et que les institutions nationales et les organisations œuvrant dans ce domaine restent des acteurs-clé dans la lutte contre la torture.
Les participants ont incité les États à ratifier la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son protocole facultatif ; à incriminer la torture dans les constitutions et lois nationales et à garantir un procès équitable, signalant au passage que la prolifération de cette pratique s’explique par l'absence de politiques efficaces à même de lutter contre l'impunité.
Parmi les défis relevés par les participants et qui empêchent de mettre un terme au phénomène de la torture, les lois d’urgence imposées par quelques Etats arabes, et la quasi-absence de la définition de la torture et de toute incrimination de cette pratique dans certaines législations. Outre les conflits armés internes et la défaillance des mécanismes régionaux de contrôle, s’ajoutent à cela le non respect de l’approche des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les lois sur le terrorisme, qui souvent, favorisent la logique sécuritaire au détriment du respect des droits de l’homme.
Lors d’une séance consacrée aux derniers développements du monde arabe, les participants ont mis en exergue le rôle central que peuvent jouer les INDH en vue de prévenir les violations des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui peuvent être commises lors des manifestations. Ils ont, à cette occasion, rappelé la déclaration verbale commune émise par certaines institutions arabes concernant ces développements, dans laquelle ils ont appelé les États à respecter le droit de manifestation et de rassemblement pacifique.
Par ailleurs, dans le cadre du travail du Secrétariat du dialogue, M. khalid Ramli a présenté un rapport du groupe de travail sur les droits des travailleurs migrants relevant du dialogue euro-arabe, dans lequel il a insisté sur les défis et les contraintes auxquels sont confrontés les migrants, en particulier les femmes et les enfants et sur la nécessité de prendre des mesures pour les protéger contre l'exploitation. Il a souligné également la nécessité de réglementer le recrutement des travailleurs migrants et de vieller à la sensibilisation des victimes potentielles, des secteurs gouvernementaux concernés, des organisations non gouvernementales œuvrant dans ce domaine et des médias, sur les dangers de la traite des êtres humains.
En marge de la clôture du dialogue, une commission composée de l'Institut danois, du Centre Jordanien, de l'Institut allemand et du CNDH, a organisé une conférence de presse dans laquelle M. Essabar a salué « ce dialogue qui constitue une expérience unique dans le monde de réseautage, de la communication et de l’échange des expériences et un moyen efficace à même de réduire le hiatus entre l'Europe et les pays arabes ».
Il a ajouté que les recommandations publiées à l'issue de cette rencontre sont des engagements à caractère morale avec lesquelles les institutions nationales doivent interagir, d'autant plus que la rencontre s'inscrit dans une conjoncture particulière, celle des changements que connait le monde arabe dans les domaines politiques et de droits de l’Homme. Une donne qui incite ces institutions à insuffler constamment une nouvelle dynamique à leur action afin qu’elles répondent aux attentes des citoyens.
En réponse à une question d’un journaliste sur le soutien que pourrait apporter le CNDH à d’autres institutions arabes, M.Essabar a souligné que le Conseil national des droits de l’Homme est disposé à transmettre son expérience dans le domaine de la justice transitionnelle aux pays arabes qui sont actuellement en période transitionnelle, précisant que le Conseil a déjà pris cette initiative en envoyant ses représentants à Tunis.
A l’issue de cette rencontre, les participants ont élaboré, avec le soutien du Conseil national des droits de l’Homme, une déclaration finale qui comprend une ensemble de recommandations dont notamment :
Dans le domaine des politiques publiques et des institutions nationales des droits de l’Homme :
- Les Etats sont tenus de condamner officiellement la torture et d’adopter une politique publique rigoureuse contre les violations flagrantes des droits de l’Homme. Ils doivent veiller également à ancrer une culture sociétale en matière de respect des droits de l’homme et des libertés humaines ;
- Les Etats sont tenus de signer et ratifier toutes les conventions internationales des droits de l’Homme, en particulier la convention contre la torture et son protocole facultatif et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
- Les Etats doivent reconnaitre le mécanisme international relatif aux communications individuelles
Au niveau des constitutions et institutions nationales et les plans d’action:
- Les Etats doivent veiller à harmoniser leur législation nationale avec leurs engagements internationaux, notamment au niveau des constitutions et des lois nationales qui doivent stipuler clairement que la torture est un crime puni par la loi;
- Les Etats sont tenus de mettre en place un mécanisme national et indépendant pour la protection contre la torture ;
Au niveau des lois et de la réparation individuelle :
Les États devraient :
- Lancer des réformes législatives et institutionnelles;
- Garantir la protection juridique pour tous les individus;
- Mener des enquêtes indépendantes , transparentes et impartiales concernant toutes les allégations de torture afin de lutter contre l'impunité.